Une inquiétante étrangeté…
Alors, c’est ça la folie ? Cette lente et ténébreuse incursion dans les abymes de l’âme ? Voyez plutôt par vous mêmes. Vous ne serez pas déçus.
C’est le toujours juste Léonardo DiCaprio, en US Marshall dévoué et téméraire, qui nous y mène en prenant le large pour Shutter Island. Sur l’île, que des cas de folies poussées, souvent meurtrières. L’affaire presse, une prisonnière -pardon, une «patiente»- s’est échappée. Il n’en faut pas plus à notre US marshall et son mystérieux collègue pour se sentir investi d’une mission primordiale. A moins qu’il n’ait d’autres idées en tête, méandres personnelles de son histoire toujours en flottement, comme des cadavres jetés à la mer, surgissant ça et là lors d’un rêve…d’un cauchemar.
Ce personnage, on l’aura compris, est noir. Ténébreux. Occupant tout l’espace du film, chaque plan, chaque scène, contaminant chaque cm de pellicule. Or, la vituosité du film, semble-t-il, passe justement par la lumière. Et là où cela devient franchement inquiétant, c’est de sentir ce roulis entêtant de la folie s’insinuer dans les plans à même le jour. A vue ! Créer le malaise avec un univers sombre participe aux ficelles narratives d’un film. Exposer les turpitudes psychologiques à la lumière d’un néon ou du soleil en est une autre. Bien plus intéressante.
Et même si les plongées en apnée dans l’inconscient sont parfois un peu poussées visuellement, rendant le grain de la pellicule grossi et incohérent, c’est pour mieux s’enfoncer et apprécier, plus tard, le fond de la pensée humaine… Cette adaptation du livre éponyme de Dennis Lehane est réussie, l’exercice était difficile mais c’est chose faite grâce à un texte emparé à bras le corps sans jamais s’en tenir à l’acquis.
Scorsese adapte et habite désormais ses personnages de Shutter Island. Au plus profond de leurs souvenirs. Et des nôtres.