Very bad trip.
Anne, Michelle & Terri partent au Mexique pour leurs vacances de Printemps, prétexte festif et initiatique avant l’entrée à l’université. Alors que Terri ne jure que par les cocktails, la plage et les garçons, Anne & Michelle se laissent entraîner par un étrange inconnu à la découverte des ruines de Chichen Itza…
Nouvelle chronique sur un roman de Laura Kasischke après Un oiseau blanc dans le blizzard et Esprit d’Hiver. Impossible maintenant de cacher mon admiration pour la plume de cette auteure. Et justement. Des plumes, il y en a dans ce roman, des plumes vertes comme les porte le Quetzalcoatl, cette divinité mi oiseau mi serpent, vénérée par les mayas. Le vert hypnotique, les plumes. Ce leitmotiv rythme le livre comme Kasischke aime le faire, afin de faire monter l’angoisse, la crainte. On la sait coutumière du fait, elle aime créer des ambiances faites de risques où tout peut basculer à n’importe quel moment. Les vacances de Printemps sont un bon moyen de plonger ses personnages vers des profondeurs incertaines. Car si les conseils parentaux étaient pourtant clairs, face à la réputation sulfureuse de ce voyage quasi initiatique, les précautions réelles et obligatoires, les filles ne les respecteront pas. Et les mises en garde résonneront longtemps dans leurs têtes. Se méfier des inconnus, surveiller son verre, éviter la drogue et les mauvaises influences. Et surtout s’occuper de ses amies. Ne pas les perdre de vue.
« Finalement, aucune d’entre nous ne prit de décision. Nous savions néanmoins que nous irions à Chichén Itza dans la voiture d’un inconnu le lendemain matin. »
Récit anxiogène forcément. Parce que Anne et Michelle vont partir seules de leur côté. Parce qu’elles vont suivre un inconnu. Et aussi surtout, et c’est là que l’on retrouve l’univers si mystérieux de Laura Kasischke, parce que Michelle va se trouver un attachement tout particulier, presque indéfinissable et irraisonné, pour la culture des sacrifices violents faits au dieu Quetzalcoatl, ce qui provoque chez Anne une lente et profonde angoisse. Car Michelle a un passé tumultueux, un père inexistant et pour mille autres raisons insoupçonnées, sa sensibilité se trouve exacerbée à son arrivée sur les fascinantes ruines de Chichen Itza. La montée en puissance et en parallèle, de la fascination pour Michelle & d’une terrible inquiétude pour Anne est le grand talent de ce roman. Le suspense monte vite, la lecture se fait rapidement et l’idée d’envelopper une histoire de base plutôt banale d’une coquille de mythologie, prête à se rompre ou à enfermer est pour le coup, très innovante.
« Si tu te tournes par là, (…) tu peux apercevoir les cenotes. C’est la bouche qui recueille l’eau des cieux et qui donne son nom à Chichén Itza. Ce sont les puits où on emmenait les vierges à sacrifier. Les puits renferment leur cadavre, leurs bijoux et leur dernière chanson. On conduisait cinquante ou soixante jeunes filles en une journée dans une procession qui traversait la jungle. Elles portaient une robe blanche, décorée de fleurs et d’or. On les jetait dans les puits les unes après les autres lors d’une cérémonie qui faisait d’elles les épouses de Quetzocoatl. Elles avaient peut-être choisi leur sort et s’y précipitaient avec joie. Ou peut-être qu’on les droguait pour les forcer à accepter le sacrifice. »
Peut-être moins poétique que ses autres romans, sûrement plus basique aussi dans l’intrigue de base, La Couronne Verte sait néanmoins déployer des rebondissements intéressants. Pour ma part, j’en retiendrais surtout la capacité toujours envoûtante de Laura Kasischke d’immiscer la magie et le mystérieux dans le quotidien et la réalité. Sans faire de ses romans des oeuvres fantastiques (au sens du genre entendons nous). Etrange comme ce livre a continué à me travailler après avoir passé la dernière page. La magie si magnétique du Quetzocoatl recouvre le destin des deux héroïnes. De ses larges plumes vertes.
Vous souhaitez continuer votre lecture ? Allez lire mon avis sur Un oiseau blanc dans le blizzard, Esprit d’Hiver de Laura Kasischke.