1982, 16mm, n&b, 5min
Noirceur, décors tourmentés, perspective faussée et lignes déstructurées sont autant de qualificatifs pour Vincent, court métrage d’animation de Tim Burton, qui ne sont pas sans rappeler l’expressionisme allemand des années vingt. Du passage du poème au film, il n’y a qu’un pas. Des mots aux images, l’esthétique servira de transmission aux sentiments ; Vincent s’apparentant ainsi parfaitement à la représentation du mot « angoisse »…
Vincent est l’histoire d’un enfant solitaire et incompris croyant être Vincent Price, lisant régulièrement Edgar Allan Poe et se livrant à des expériences cauchemardesques sur son chien pour créer son « zombie dog ». Paradoxe de sa création, ce film noir et traumatique a été conçu alors que Tim Burton oeuvrait sur Rox et Rouky pour Walt Disney, machine à rêves haute en couleurs. Comment ne pas imaginer que cette situation transparaisse en filigrane ? En réaction à un excès de douceurs, couleurs, bonheurs, Vincent serait l’anti-héros, la réponse imagée aux traumatismes enfantins (et de surcroît, le personnage emblématique du réalisateur solitaire en réaction contre le système…). En corrélation directe avec La triste fin du petit enfant huître, livre de nouvelles illustrées, Tim Burton utilise le même univers, parcouru d’enfants tourmentés et sur une narration versifiée, conférant ainsi à ces histoires sordides une poétique délicate sans oublier un zeste d’ironie déjantée… Vincent, tout comme Frankenweenie ou l’étrange Noël de Mr Jack, traite d’une enfance hors du commun, de cette période de la vie qui amène tant de traumatismes…l’enfance.
Comment ne pas remarquer l’esthétique si déterminée, si soignée de ce court métrage sans penser de suite au mouvement expressioniste ? L’usage du noir et blanc, les contrastes, distorsions, le clair obscur, la perspective déformée et les graphismes pointus sont autant d’éléments structurant l’image et l’histoire. Ils sont le miroir des obsessions de Vincent, au coeur de ses hallucinations. Evoquant tour à tour son envie d’être Vincent Price et sa double personnalité, son opposition au monde des adultes ou encore une possible folie, Tim Burton se sert parfaitement de l’esthétique afin de faire ressortir les aspects les plus fous de la personnalité et raconter l’histoire de Vincent. L’image, maîtrisée à la perfection donne alors tous son sens… Elle parle.
Ce court métrage, d’une noirceur absolue, n’en contient cependant pas moins d’ironie. Humour et sévérité se côtoient afin de coller au mieux aux particularités de chacun. En effet, si le message est quasi-universel, chaque spectateur pourra toutefois y trouver « la » sensation de son enfance…