C’est la volonté d’osciller constamment entre une âpre réalité et sa si frêle poésie attenante qui maintient sans cesse nos sens en éveil…
Direction la banlieue Est populaire de Londres, filmée sans concession mais sans voyeurisme non plus, linge étendu aux fenêtres sur des fils distendus, misère au vent, marmots brailleurs et trotinettes cassées. Parmi ces gens, l’histoire de Mia, personnage brut d’une jeune fille 100% survet’, rymel et basket, le déhanché hip hop et le juron toujours au bout de la langue. C’est l’histoire ordinaire de cette fille d’aujourd’hui partagée entre sa famille (mère divorcée souvent accompagnée et petite soeur au vocabulaire plutôt…étonnant), sa passion pour la danse…et le nouvel ami de sa mère. Car, le voilà, cet élément perturbateur, ce grain de poussière (de soleil?) qui va insidieusement changer la vie de Mia. Toujours sur le fil, jamais totalement assumée ni dévoilée, la relation qui unit ces deux là est troublante. Et là réside toute la beauté, la poésie et la subtilité de ce conte moderne : comme un imperceptible changement de température vous fait frémir le grain de peau, les sentiments de ce film sont toujours esquissés en filigrane, jamais polissés, parfois violents et amers, s’offrant même le luxe, grâce à des dialogues percutants, un brin d’humour bien placé.
C’est l’histoire d’une fille sans famille. Ou presque.
C’est l’histoire d’une jeune fille qui n’arrive pas à grandir. Ou presque.
C’est l’histoire initiatique d’une fille qui apprend à marcher, à se relever.
Caressée par la caméra d’Andrea Arnold, Mia s’ouvre peu à peu, elle apprend la vie aux cotés de cet homme, mi père, mi ami, mi amant. Il la soutient, la pousse, la contrôle, la freine et la brusque. La fougue et l’obstination de Mia, hautement portées par Katie Jarvis qui tire parfaitement parti de son arrivée par mégarde dans le cinéma, crèvent la pellicule.
C’est décidé, Mia vivra pour elle. Coûte que coûte. Sa vie.