Une jeunesse au Moyen-Orient, Tome 1
L’arabe du futur, c’est le premier volet autobiographique de l’histoire de Riad Sattouf. De la rencontre de ses parents dans un restaurant universitaire en France à son enfance dorée en Libye puis de la naissance de son petit frère, le retour en France jusqu’au départ vers la Syrie natale de son père… une enfance entre la Bretagne & le Moyen-Orient.
Un petit Riad, tout blond, tout beau, (« parfait » comme il aime le préciser, géniale introduction) qui porte son regard d’enfant sur ce qui l’entoure. La naïveté et la douceur de son point de vue apporte évidemment beaucoup de candeur au récit, voire comme souvent avec Riad Sattouf, une légère pointe d’humour toujours entrelacée au récit. L’arabe du futur, c’est la vision de son père, né dans une famille pauvre et devenu professeur. Ne voir que par l’éducation, et sortir de l’ignorance pour s’échapper de sa condition. La clé.
Si la voix du petit Riad se fait protectrice et largement admirative de son père, c’est aussi grâce à une voix-off relatant quelques événements historiques, que le contraste naît. Et que la perspective grandit. Avec toujours en pointe de fuite l’histoire politique d’un pays, d’une population. Une toile de fond qui étonne, qui détonne même ! J’avoue avoir été captivée comme si je regardais un très bon documentaire tant à certains moments Riad Sattouf est généreux de détails sur ce qu’il découvre en Lybie ou en Syrie. Attention à fermer votre porte dans la Lybie de Kadhafi car tout le monde peut s’installer où il le veut. « Le Guide a aboli la propriété privée », « les maisons sont donc à tout le monde »…
Le personnage central de la bande-dessinée aux yeux de Riad, vous l’avez compris, c’est son père. Abdel-Razak Sattouf est un homme complexe. Attaché à ses valeurs éducatives et progressistes, il ne peut cependant s’empêcher de croire aux forces du mal et aux superstitions, et si il affirme ne pas être croyant c’est pour mieux s’en rapprocher quand il en a besoin. On a du mal à savoir ce qu’on en pense, pris en tenaille entre ses propos indécents sur le monde occidental ou sa vision de la femme, et la beauté de son personnage qui transpire à travers l’amour que lui porte son fils…
La force de l’éducation des enfants ou d’un peuple en général, même combat ! Riad Sattouf porte un regard très nuancé sur le comportement de ses parents et de ce qui constitue son enfance, ses racines. L’écriture est sincère, portée par le sentimentalisme de vieux souvenirs comme la dégustation des « toutes », les fruits qui ravissent tant son père, mais aussi étonnée, admirative de ce qui l’entoure. Obsessionnelle aussi quand il s’agit de repérer les mauvaises odeurs. Et puis âpre aussi. Comme lors la rencontre avec d’autres enfants, déjà occupés à jouer à la guerre et donc bien plus autonomes et plus brutaux que le petit Riad… Pire, lors de la mise à mort d’un chiot, comme pour traduire toute la violence contenue en filigrane autour de lui.
Juste témoignage d’une enfance au Moyen-Orient, Riad Sattouf ne veut pas écrire une critique politique. Dans le ton et le point de vue adoptés, l’arabe du futur me fait penser aux chroniques de Guy Delisle. Une plume aussi juste que le pinceau, toujours respectueuse mais non dénuée d’ironie et d’intelligence. Quand on sait toute l’admiration que je porte à Guy Delisle, il est facile d’imaginer à quel point j’ai aimé l’arabe du futur de Riad Sattouf… Vite, vivement que le 2ème tome sorte !
L’arabe du futur, Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984) tome 1, de Riad Sattouf, Ed. Allary (20,90€)
Ma chronique sur les BDs de Guy Delisle
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