Le Sixième Homme, Monica Kristensen

Un polar frigorifique, au coeur du Svalbard, une île norvégienne mystérieuse et énigmatique…

Là où les eaux de l’Atlantique et de l’Arctique se rencontrent se trouve une île, le Svalbard. Ce petit territoire norvégien, enfoui sous les glaces et la neige, abrite une micro société où chacun se connaît et où les liens entre les hommes deviennent le moyen d’affronter une nature hostile… Dans la cité minière de Longyearbyen, lorsqu’un soir au jardin d’enfants, la petite Ella reste introuvable, c’est le chaos parmi les habitants. Sa recherche ainsi que d’autres enquêtes se mènent de front au commissariat. Le calme habituel de l’île se soulève et parmi une ville où l’absence d’anonymat est la règle, chacun devient alors suspect…

Mes infidélités au polar suédois se sont révélées plus que fructueuses… Et puis soit dit en passant, Monica Kristensen est tout de même née en Suède après tout. Glaciologue, elle a par contre monté plusieurs expéditions dans le grand nord norvégien et a vécu de nombreuses années sur l’île du Svalbard. Son amour pour cette terre est contagieux, et que ceux qui n’aiment pas que le paysage et les données géographiques prennent parfois le pas sur les personnages passent leur chemin. Ici, plus jamais, l’environnement est roi. Et tout ce que j’aime dans les polars nordiques est décuplé. Au Svalbard, il y a de la neige, de la glace, des engelures aux doigts de pied, des manteaux épais et des bonnets en laine, des ours et des moto-neiges…

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Île du Svalbard, Norvège. Le polar de Monica Kristensen se déroule dans la cité minière de Longyearbyen, plongée pendant de longs mois dans le noir d’une nuit polaire…

Personnage clé, l’île de Svalbard

Monica Kristensen a mené elle-même une enquête méticuleuse avant de créer ce polar des neiges. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que le livre s’ouvre sur deux cartes géographiques, comme pour asseoir le récit à venir. Les descriptions sont en effet toutes empreintes de réalisme, révélant un territoire et une ville au lourd passé minier. Le vocabulaire des mineurs est rigoureux, et l’aspect documentaire de ce livre n’est pas à renier. Il est même complaisant de se perdre dans des détours descriptifs pour mieux se lover dans cette histoire. Tout comme le climat qui handicape et raidit les personnages (l’île est plongée pendant une longue partie de l’hiver dans une nuit noire polaire), la mine de Longyearbyen devient elle aussi un personnage. Ses artères étroites creusées dans la roche, l’obscurité et la poussière, chaque détail renforce un peu plus un terrain parfaitement oppressant, à l’effet claustrophobe et angoissant…

Des histoires imbriquées

Pas de personnage principal, enquêteur ou super policier à la rescousse pour ouvrir ce polar. L’originalité de ce livre tient aussi dans sa construction. Il s’agit en effet d’un récit choral. Autour de la disparition d’Ella, plusieurs personnages vont graviter : des policiers, la mère, le père mais aussi d’autres histoires, en parallèle, d’une femme trompée, de commandants de crevettiers ou de mineurs syndicalistes… Mais aucun, ou presque, ne prendra le dessus. Fait tout de même assez rare pour être souligné. Car même si je ne boude jamais des romans menés tambour battant par des personnages récurrents que l’on apprend à connaître comme ses propres amis, j’avoue qu’il est plutôt jubilatoire de se laisser guider ici sans tête forte, nous laissant quasi maître des investigations. Et plus intéressant encore, les chapitres sont imbriqués dans le temps. L’histoire se déroule en effet tantôt au présent, tantôt en flashback, un mois avant la disparition d’Ella.

Un suspense grandissant

Plus les pages se tournent, plus on connaît de personnages, chacun apportant son lot de contradictions et de suspicion. L’impression d’appartenir nous même au Svalbard devient pregnante et l’on serait presque prêt à attraper sa paire de moonboots et sa chapka avant de continuer sa lecture… La multiplicité des personnages et des intrigues attise la curiosité. Tout nous semble pourtant lié mais comment ? Le suspense s’avère intense dès lors que l’on comprend que rien ne nous a été caché. Monica Kristensen a certes bien ficelé son intrigue mais l’on retiendra surtout l’ambiance polaire de cette histoire, une atmosphère qui nous manquera dès la dernière page tournée.

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7 réponses sur “Le Sixième Homme, Monica Kristensen”

  1. J’aime beaucoup la description que tu fais de ce polar! Il me tarde de le lire pour découvrir cette ambiance si particulière et cette atmosphère pleine de suspens…

  2. Ce polar a l’air très intéressant ! La configuration des lieux me fait beaucoup penser à une pièce de théâtre que j’ai vu il y a quelques années. Cela se passait dans une ville minière comme ici, avec un soleil ne montrant que très peu son nez. Peut-être que tu connais. Il s’agit de Temps de Wajdi Mouawad, et voilà le résumé : « Deux frères et une sœur se retrouvent quarante ans plus tard pour liquider la succession de leur père mourant. Cela se passe l’hiver, dans la ville minière de Fermont, à la frontière avec le Labrador, où les températures peuvent descendre jusqu’à – 60°. Pour lutter contre la violence des vents, un mur écran a été construit dans lequel vivent les habitants de Fermont, dont la plupart sont employés par la compagnie qui gère la mine de fer. Entre l’intérieur de la maison, où a lieu la rencontre des enfants et l’extérieur, où les vents violents qui balaient la ville n’empêchent nullement une invasion de ses rues par une horde de rats ; quelque chose va sourdre, comme une blessure mortelle et ancienne, que les enfants vont devoir confronter pour retrouver, peut-être, une sensation de légèreté. Mais la légèreté se paie aujourd’hui au prix fort. Ils en feront l’expérience. » Je crois que le script a été édité, cela dit je ne sais pas ce que ça vaut quand on a pas vu la pièce, ni si c’est ton genre. Bref, j’ajoute ton polar dans mon énoooorme pile 🙂

    1. Je connais l’auteur mais pas cette pièce. En effet, il y a comme une connivence d’atmosphères !! Je me pencherais dessus même si, comme tu le dis, un texte de théâtre, c’est souvent totalement autre chose sur scène que sur papier… En tout cas, merci pour ce commentaire, c’est toujours très chouette d’avoir tes réactions !

      1. J’avais acheté « Forêts » après avoir vu sa pièce, j’ai énormément aimé, même si lu plusieurs années après. Alors peut-être est-ce la même chose pour « Temps ». Après je pense qu’il faut déjà avoir vu une de ses pièces au moins pour vraiment se plonger dans le « script ». Tu en as vu de lui ?
        Par ailleurs, si tu veux découvrir son univers, étant donné qu’en ce moment il n’y a pas de tournée je crois, tu peux regarder le film « Incendies », c’est également un remake d’une de ses pièces, très fidèle à l’original, mais au cinéma 😉
        Bon allez, j’arrête de faire de la pub pour Wajdi Mouawad, n’empêche c’est un metteur en scène et auteur exceptionnel !

        1. Non, pas encore eu la chance d’aller voir une de ses pièces. Par contre, « Incendies » me semble parfait pour réparer ça, dans un 1er temps ! Le synopsis me parle vraiment. Merci pour tes conseils 😉

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