Le loup de Wall Street, Martin Scorsese

Le loup de Wall Street, Martin Scorsese leonardo di caprio

Attention, chien méchant.

Adaptation du livre autobiographique de Jordan Belfort, histoire d’une ascension plus que vertigineuse d’un jeune trader au coeur de Wall Street, à coup d’idées folles pour gains immédiats, sex & drugs en plus. Et de sa chute…

La folie entre Scorsese et DiCaprio a du bon. C’est qu’ils aiment affronter ensemble des personnages carrément névrosés : le toqué Howard Hughes dans Aviator, la psychose des Infiltrés, ou le très dérangé US Marshal de Shutter IslandLe loup de Wall Street n’échappe pas à la règle et plus que jamais, le duo touche du doigt un matériau plus que sensible. De la démence pure. Frénétique et déraisonnée. Un loup méchant et répugnant, terriblement fascinant… Continuer la lecture de « Le loup de Wall Street, Martin Scorsese »

Suzanne, Katell Quillévéré

Suzanne, Katell Quillévéré

Histoire de vie.

C’est la vie de Suzanne, attrapée par son destin, éprise de liberté jusqu’à épuisement. Un portrait de vie parmi ses proches, les liens qui les unissent. Sa soeur. Son père. Son fils. Et son amour. Destructeur.

Voilà un film qui n’a pas peur d’affronter la brutalité d’une vie. Celle de Suzanne. Du lien fusionnel qu’elle entretient avec sa soeur, de sa grossesse alors qu’elle est encore adolescente, à l’apparition d’une histoire d’amour dont elle ne pourra pas échapper, le destin de Suzanne trébuche, tombe, puis se relève et continue malgré d’avancer. Je crois que si le film m’a autant plu, c’est grâce au jeu subtil de ses acteurs, sa construction intelligente & une esthétique humble et épurée.

Des acteurs au top

Bon, autant le crier haut et fort, oui, les acteurs de ce film sont aussi justes que touchants, ils emplissent le film de vie et nous emportent avec eux. Et c’est un des points forts de cette histoire. François Damiens, Sara Forestier & Adèle Haenel habitent leurs personnages avec précision et forment une famille à laquelle on s’accroche dès les premières minutes. D’abord un pn père, souvent absent car routier, mais qui entretient un lien fort avec ses filles, sûrement renforcé parce qu’il a du les élever seul. François Damiens, touchant, en retenue, saisit nos émotions et nous étonne avec plaisir dans ce rôle qu’il habite parfaitement. Et puis il y a les deux soeurs fusionnelles. Et il fallait y croire, à cette union indestructible entre Suzanne et Maria. Sara Forestier s’empare avec force et pudeur de cette Suzanne et  joue sans cesse sur le fil pour nous emmener sans ménagement dans ses tribulations. Elle a toujours une longueur d’avance sur nous, elle nous étonne, nous effraie et nous bouleverse en un souffle, un regard. Adèle Haenel, elle, a construit une Maria toujours dans l’attente des actes de sa soeur, mais pourtant solide, pêchue et courageuse. Car on s’en doute très vite, c’est elle qui prendra les responsabilités pour sa soeur aînée. Face au personnage très fort de Suzanne, Adèle Haenel a tirer son épingle du jeu. Sa Maria est audacieuse et m’a particulièrement plu.

Une structure en ellipses

Katell Quillévéré a choisi de nous laisser imaginer. Et c’est là toute la finesse de ce scénario car en plaçant des ellipses tout au long du film (Suzanne enceinte à Suzanne mère d’un enfant de trois ans par exemple), elle crée de l’action en hors champ. Alors forcément, pour les acteurs, c’est un pari osé à relever car ils doivent jouer avec des sentiments qui n’ont pas été montrés à l’écran mais le résultat en vaut la peine. Car le film nous oblige à composer et construire ce qu’a vécu Suzanne, ou ses proches. Et bizarrement on amplifie. Donc on s’émeut. C’est ainsi mille et un sentiments qui traversent les yeux de Sara Forestier que l’on s’empresse d’imaginer. Le scénario utilise aussi ces ellipses pour créer du lien entre les personnages, et notamment entre les deux soeurs. C’est un parallèle très intéressant qui oscille entre elles deux, montrant tour à tour leurs maladresses, leurs chutes et comment elles s’entraident toujours à se relever. Une véritable force. De même, l’ellipse sert à éviter les lieux communs du cinéma. On ne verra donc pas la cavale de Suzanne, sujet bien trop traité aux yeux de Katell Quillévéré, qui préfère évoquer (tant mieux pour nous) tout l’aspect psychologique des retombées après un tel acte, de la force d’un amour infernal pour ces femmes, comme Suzanne, qui aiment les hors la loi. La réalisatrice s’est pour cela inspirée des biographies des épouses d’ennemis publics, et elle en tire une toute nouvelle facette. L’attraction, à la façon d’un aimant vers ce qui va faire mal… Rare.

Une esthétique épurée

De l’hyper réalisme, une réalisation construite pour les acteurs. J’ai aimé cet aspect transparent à l’oeil de la composition, pourtant si travaillé. Un aspect quasi documentaire pour que les personnages soient toujours un peu plus servis par le décor. Toujours dans cette volonté de réalisme, Katell Quillévéré a choisi un amateur pour interpréter le rôle de Julien, l’amour dévastateur de Suzanne. Encore un enjeu osé qui donne, parce qu’il est réussi, une profondeur toute autre au film. Une fausse simplicité qui laisse s’imprimer de beaux tableaux au fil de l’histoire…

Un film humble et touchant, Suzanne attache, transporte et trouble.

 

Suzanne, Katell Quillévéré

Suzanne, Katell Quillévéré

Suzanne, Katell Quillévéré

Suzanne, Katell Quillévéré

Suzanne, Katell Quillévéré

Suzanne, Katell Quillévéré

 

Le site officiel de Suzanne

 

Et si vous avez aimé ce film, je ne peux que vous recommander le destin de vie de Fish Tank, une autre chronique réaliste très subtile Fish Tank, la vie de Mia, sa mère, sa soeur, sa volonté de danser et surtout l’arrivée du nouveau petit ami de sa mère…

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Guillaume et les garçons… au lit !

Guillaume et les garçons, à table ! de Guillaume Gallienne

Divan de cinéma pour psychothérapie très personnelle. 

« Guillaume et les garçons, à table ! », le refrain assené quotidiennement par sa mère, Guillaume l’a intégré. Et comme une métaphore du schéma familial dans lequel il a grandit, cette phrase l’a plongé dans une lente réflexion sur son identité. Pourquoi distinguer les « garçons » de sa propre personne ? Serait-ce parce qu’il est en fait une fille ? Une fille qui aimerait les hommes ? Ou bien juste un homme qui aime les hommes ? Est-ce lui ou ses proches, et sa mère en premier lieu, qui ont façonné sa personnalité ? Allongez vous, après sa psychanalyse au théâtre, Guillaume Gallienne poursuit la thérapie au cinéma !

Ma curiosité était touchée, Guillaume et les garçons, à table ! avait divisé les foules, emporté tout ce petit monde au cinéma et bien fait parlé. Trop peut-être. C’est bien là mon paradoxe, j’aime quand on me parle des films mais trop non plus. Au risque de m’écoeurer. Compliquée ? Non… Bref, j’ai retrouvé ma séance de 10h20 et mon petit papi qui pète (rappelez-vous… la projection épique du Casse-Tête Chinois) pour entrer en psychanalyse aux côtés de Guillaume Gallienne. Heureuse d’assister à un jeu plus que millimétré du comédien -est-il nécessaire de rappeler que le prodige est aussi sociétaire de la Comédie Française- j’ai été saisie par cette justesse, ce sens du rythme et de l’introspection de Guillaume Gallienne. Contrairement à la pièce de théâtre éponyme où il endossait tous les rôles, il se contente, sûrement pour notre plus grand plaisir dans ce film, de jouer son propre rôle (déjà un sacerdoce) mais aussi surtout celui de sa mère. Performance de haut vol. Applaudissements des deux mains. Et voilà pourquoi malgré mon désenchantement, voire mon hermétisme final à ce film, je ne suis pas repartie bredouille de cette projection. Je retiendrais cette prouesse, l’exactitude du jeu, l’originalité du ton et quelques scènes franchement drôles. Et j’essaierais d’oublier le point de vue peut-être trop personnel, quelques longueurs plates plates plaaates, la construction du film en enfilade de sketchs qui empêche la progression de l’empathie et enfin, j’oublierais, si c’est possible, ce drôle de sentiment à la sortie du film : « Bon, heureuse pour lui qu’il aille mieux et que sa psychothérapie l’ait aidé, ah oui je suis vraiment contente pour lui mais bon… Est ce que ça en fait un film de cinéma pour autant ? » Un film thérapeutique sûrement un brin trop personnel, qui malgré de belles qualités, peine à me toucher…

Guillaume et les garçons, à table ! de Guillaume Gallienne
@ Thierry Valletoux  Gaumont – Rectangle Productions – LGM Cinéma
Guillaume et les garçons, à table ! de Guillaume Gallienne
@ Thierry Valletoux  Gaumont – Rectangle Productions – LGM Cinéma
Guillaume et les garçons, à table ! de Guillaume Gallienne
@ Thierry Valletoux  Gaumont – Rectangle Productions – LGM Cinéma

 

Le site officiel du film

 

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Album de famille.

La vie c’est ….

La vie, normalement c’est ça : Un point A ————————— vers un point B. Sauf que Xavier, son problème, c’est le point B. La vie, c’est toujours aussi compliqué ! A 25 ans, on suivait les tumultes de sa vie d’étudiant expatrié dans l’Auberge Espagnole ; à 30 ans, il se décidait malgré tout à choisir une relation promise au bonheur avec la jolie Wendy dans les Poupées Russes et là, à 40 ans, c’est malheureusement sur le divorce avec Wendy que s’ouvre ce Casse-tête chinois de Cédric Klapisch.

 

Jeudi 5 décembre, séance de 10h20 au Pathé Wepler, Paris 18ème.

Peu de monde à cette heure là, c’est là que le chômage a ses avantages, il permet normalement d’aller voir les films qu’on attend depuis longtemps en toute tranquillité. Je dis normalement car ce serait sans compter sur le petit vieux qui malgré ses sympathiques sourires, a raclé sa gorge toute la séance durant, bruits de succion en bonus et pépite de la pépite, pour ma grande surprise, a aussi joyeusement lâché deux petits pets pendant le film… Et dire que d’habitude, je perds mon énergie à pester contre les bruits de pop corn ou les papiers de bonbons qu’on enlève si précautionneusement alors qu’il faudrait juste tirer d’un coup et ainsi gentiment abréger ma souffrance…

La vie est compliquée.

Enfin surtout pour mon pote Xavier. Oui j’ai décidé de l’inclure dans le cercle de mes amis tant j’ai l’impression de bien le connaître celui là. Toujours un peu indécis, il subit les aléas de la vie, les provoque sûrement un peu mais retombe assez bien sur ses pattes. Comment il va ? Et bien, plutôt mal d’abord. Parce que oui, tu vois, il vivait le parfait amour avec Wendy, -mais si tu sais, la très jolie rousse qu’il avait rencontrée pendant son année Erasmus à Barcelone-. Oui tu vois, ça a été assez dur pour lui de s’en rendre compte mais ils étaient à priori fait pour être ensemble. Bon voilà, ils ont eu deux enfants mais là, ça va plus. Et Wendy, elle a décidé d’aller vivre à New York. Oh elle abuse… Oui enfin bon, en même temps, elle vivait à paris depuis tout ce temps juste pour Xavier. Enfin voilà, Xavier, il veut pas reproduire les erreurs de son père donc il part vivre de l’autre côté de l’Atlantique juste pour être près de ses enfants. Oui, Xavier, il est toujours aussi beau et en plus il agit de façon encore plus charmante avec l’âge. Oui oui. Et ce qui est chouette c’est que Isabelle, tu sais sa super pote homosexuelle, et bien elle aussi, elle vit à New York… alors autant te dire que ce Casse-tête chinois a aussi des allures d’album de famille, et encore plus quand la pétillante Martine arrive et sème son grain de sel dans l’histoire…

J’ai aimé. Quel soulagement intense de voir que Cédric Klapisch s’est emparé de cette suite avec autant d’enthousiasme que les deux premiers volets ! Il faut dire qu’il y a mis les bons ingrédients. Ne serait ce que l’attente. Le temps. L’Auberge Espagnole sortait en salle en 2001 et depuis, les personnages ont eu le temps de grandir, de vieillir, et de nous manquer. L’absence a du bon. Cédric Klapisch affirme même avoir voulu attendre que ses comédiens vivent de nouvelles expériences dans leur propre vie afin de nourrir leurs personnages. Romain Duris notamment. « (…) je me disais que ce serait bien d’attendre que les acteurs aient des enfants dans la vraie vie, notamment Romain. Je n’aurais peut-être pas refait ce troisième film s’il n’avait pas eu d’enfants. » Et puis les comédiens voulaient à nouveau jouer ensemble sous la direction de Klapisch, et cette cohésion se ressent énormément à l’écran. Enfin, Klapisch a su garder toute l’originalité de son cinéma, et ne s’est pas désorienté face à la pression attendue devant une telle suite. Il a su adapter son écriture et a délaissé la spontanéité qui avait fait la fraîcheur des deux premiers opus pour se concentrer sur un scénario plus élaboré et plus mature pour Le casse-tête chinois. J’aime les cinéastes avec une « pâte », et j’aime définitivement le cinéma de Klapisch. Il sait user de stratagèmes visuels et affectionne toujours autant les astuces graphiques mais sait aussi parler avec simplicité de réalisme. Il sait filmer le quotidien et les gens tels qu’ils sont. Et créé des films miroirs. Pas étonnant que le programme Erasmus ait vu envoler son nombre d’adhésion dans l’année qui a suivi la sortie de l’Auberge espagnole, et avec ce troisième volet de la « trilogie des voyages de Xavier » comme il aime l’appeler, c’est toute la question d’une génération ayant grandi avec l’idée de mondialisation et du voyage qui est abordée. Pas de frontières, les citoyens du monde sont de retour.

Pour aborder New York, Cédric Klapisch a voulu travailler sur des codes couleurs très recherchés et s’est très vite inspiré du photographe Alex Webb de l’agence Magnum. « Pour moi, c’est un maître absolu dans l’art de décrire la vie comme un gros bordel tout en composant ses images de façon extrêmement sophistiquée. Je voulais utiliser ça visuellement parce que pour moi New York raconte le combat de l’ordre et du chaos qui ressemble étrangement aux problèmes de Xavier. »

Alex Webb, Havana, 2008
Les codes couleurs & cadrages compliqués d’Alex Webb ont inspiré le réalisateur du Casse-tête chinois (Alex Webb, Havana, 2008)
Alex Webb, Sancti Spiritus, 1993 (Boys and Bikes)
Alex Webb, Sancti Spiritus, 1993 (Boys and Bikes)

 

 

Humour & Mélancolie. Un brin de nostalgie. Beaucoup d’avenir. C’est désormais l’idée de la filiation, ces liens entre les générations qui animent Xavier, Wendy, Isabelle & Martine. Les clins d’oeil au passé sont parfois rieurs, et souvent mélancoliques. L’insouciance a laissé la place à la recherche de la stabilité. Si le scénario possède quelques facilités ou de petites incohérences, elles sont vite balayées par le ton ouvert et drôle du film. Et puis, point très important à mes yeux, je souligne avec grand plaisir, la construction d’une vraie fin qui clôture cette trilogie, rassasiant mon appétit de spectatrice. Car rien n’est plus crétin que de faire des suites dans l’optique de faire encore d’autres suites. Non ? S’il peut en dérouter certains par le changement de ton dans cette trilogie, pour ma part, ce Casse-tête chinois a déplié ses énigmes avec plaisir, laissant le sentiment joyeux d’avoir retrouvé des super potes. Un bel album de famille, en voyage…

 

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

Le Casse-tête chinois, Cédric Klapisch

 

 

Le site officiel du film

Le site de Cédric Klapisch

 

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