Le M.O.C (Mâle Occidental Contemporain) est-il en toc ?
Postulat de départ : avec toutes les femmes présentes sur Terre, suffit-il de les cueillir ou bien la drague a-t-elle évolué ? Thomas, jeune homme vaguement intello, blanc et hétéro, ne ménage pas ses efforts pour conquérir la gente féminine. En boîte, à la bibliothèque, sur un banc dans le parc ou dans les transports. Femmes blanches, noires, intellos, filles à priori faciles ou franchement inabordables, mères, bien roulées ou même grosses-ah non, pardon pas grosses. Enfin pas d’emblée hein, faut pas déconner… Mais voilà, il échoue et collectionne les râteaux. Pire, quand une ouverture se présente, il fuit comme un lâche…
Le tandem François Bégaudeau (rappelez vous Entre les Murs pour ne citer que ce roman, dont l’adaptation a remporté la Palme d’Or en 1998, mais avez vous remarqué que Bégaudeau est partout, dans votre télé, vos magazines, vos romans et maintenant vos BDs ?) & Clément Oubrerie (dessinateur notamment de la fameuse Aya de Youpagon) se sont penchés sur la question. Considérer l’autre sexe. De façon faussement anthropologique, leur personnage, Thomas, va à la rencontre des « nouvelles femmes », symbole d’un renouveau de notre société, où le genre féminin aurait définitivement le pouvoir. Sur l’amour, ou le sexe en tout cas. Et de constater que sa façon de concevoir le rapport entre les deux sexes a changé. Tout est donc question de réajustement. Pari réussi ?
En tant que nénette, je peux comprendre certaines critiques (féministes ou pro-féministes), comme parues dans l’article de LibéNext par Sylvie TISSOT, Sophie COURVAL et Mathieu TRACHMAN où les auteurs accusent dans cette BD la déshumanisation des femmes « sans affects et sans égards, froides et hautaines », où même si ces dernières n’ont plus de rôle de dominées, elles ont récupéré des places dans la société non moins seyantes ((…) »la maîtresse de passage qui l’oblige à repasser ses fringues ; la féministe hystérique et castratrice qui bat le pavé, harnachée d’un gode-ceinture ; la lesbienne moche et revêche (…) »). Et entre ces portraits peu avenants de femmes, l’homme, qui ne sait trouver sa place entre toutes ces « nouvelles » chieuses…
Bon, pour ma part, j’y ai surtout vu une bonne BD, agréable à lire, au trait vif et agile. J’ai laissé de côté mes à-priori féminisants pour voir plus loin : la BD n’est-elle pas le meilleur moyen d’ironiser une situation ? Je crois en effet que Bégaudeau & Oubrerie ont délibérément choisi ce mode d’expression pour parler de ce sujet car il permet le sarcasme et l’hyperbole sans lourdeurs. Si le personnage de Thomas ne trouve aucune femme à mettre dans son lit, c’est qu’il faut surtout y voir un homme arriéré qui n’a pas encore tout saisi de notre nouvelle société. Comme le confirme Bégaudeau : « Thomas vit dans une grande ville, il est progressiste, pour l’égalité homme-femme, mais il garde en lui une forme de «doux» machisme qu’on a un peu tous. » Et si les femmes sont grossièrement dépeintes, elles sont toujours bavardes, le verbe vif et libre. Comme une invitation pour les hommes à se ré-ajuster devant une nouvelle organisation de notre société, le M.O.C suggère d’utiliser la curiosité, de baisser la garde et l’hégémonie de leur pouvoir ancestral pour voir plus loin, et aborder les femmes comme il se doit, avec l’évolution qui a été la leur. Oui une femme peut boire, prendre l’initiative ou parler crûment. Le stéréotype ne sert pas ici à pointer des faiblesses ou des défauts mais bien à laisser transparaître une nouvelle société, dans son ensemble.
Et si au final, le Mâle Occidental Contemporain était le meilleur moyen de parler des femmes ?
L’article de LibéNext par Sylvie TISSOT Sociologue et féministe, Sophie COURVAL Journaliste et féministe et Mathieu TRACHMAN Sociologue et proféministe
L’article de LibéNext avec l’interview de François Bégaudeau & Clément Oubrerie
Les éditions Delcourt, à l’initiative de ce projet et du tandem Bégaudeau/Oubrerie + une interview filmée des 2 auteurs ici
Le blog de Clément Oubrerie
Le site officiel de François Bégaudeau
Si je te rapporte le Nao de Brown, je peux t’emprunter celui-ci ? Ca va me faire du bien de lire ça 😉
Bien entendu ! 😉