Cinq ingrédients de réussite.
A tous ceux qui se sont braqués devant le phénomène Breaking Bad, refusant de s’y plier, ou aux autres qui sont passés à côté parce qu’ils étaient partis en voyage -depuis un bail- sur une autre galaxie… Voici les cinq ingrédients qui devraient vous convaincre une bonne fois pour toute de suivre les aventures de Walter White. Car voyez vous, j’étais moi même restée sur mes gardes malgré les encouragements plus qu’explicites de mon entourage. J’avais boudé jusqu’ici le phénomène. Quelle patate. Aujourd’hui, après m’être englouti les cinq saisons en un temps record, je le clame haut et fort : j’étais vraiment passée à côté de quelque chose de démentiel !
Walter White est professeur de chimie. Il vit avec son fils handicapé Junior et sa femme Skyler, enceinte… Des revenus modestes et un quotidien on ne peut plus banal qui font de cette famille le shéma typique du foyer de banlieue américaine… Mais voilà, cette vie sans remous va être perturbée par l’annonce d’un cancer au stade avancé. Petit à petit, une idée germe dans l’esprit de Walter, terrorisé à l’idée de laisser sa famille sans un sou. Il va faire appel à un de ses anciens élèves, aujourd’hui petit dealer de drogue, pour l’aider à fabriquer des méthamphétamines…
Je vous propose aujourd’hui d’enfiler vite fait votre combi & votre masque de protection pour préparer ensemble la fournée d’amphèt’ du siècle… Attrapez pipettes et bécher, ça va mesurer, noter, quantifier ! Et oui, une bonne fournée est faite d’exactitudes & de savants dosages. Accrochez vous bien, voici la recette de Breaking Bad, véritable formule magique de chimiste qui a garanti à son créateur Vince Gilligan une renommée incontestable dans le monde des camés de séries…
– Ton héros en monstre tu transformeras –
(Profitons en pour rendre hommage à Yoda, en ce moment en villégiature à la Cité du Cinéma)
Impossible de ne pas faire le parallèle entre le chimiste Walter White et l’expert en criminalité Dexter, tant ces deux héros ont des liens de parenté. Des hommes modèles en société, aux métiers irréprochables, parents et aimés des membres de leur famille, et qui pourtant se révèlent être de véritables monstres. Si l’on connait dès le début l’addiction de Dexter au crime et l’on frissonne de savoir comment il va se débattre avec cette folie dévorante, Walter White est à la base, lui, un personnage beaucoup plus anodin. Toute la jubilation dans Breaking Bad est de voir se créer sous nos yeux un véritable monstre. Ou comment le gentil se transforme doucement en méchant… sans oublier de nous rallier à sa cause puis de nous causer des états d’âme. Avoir le coeur bien accroché, voilà l’instruction principale avant de se lancer dans Breaking Bad. Ou vos sentiments feront les montagnes russes ! « (Walt) se transforme de protagoniste à antagoniste. Toute la série, dans ce sens, est une expérience scientifique pour continuer l’analogie en chimie. » Vince Gilligan
– Tes personnages tu chériras –
Si Bryan Cranston (Walter White) couronne la série d’un héros splendide et terrifiant, ceux qui l’entourent sont tout aussi exaltants. Je dois dire qu’une autre des forces de cette série est de miser sur une galerie de personnages très riches. Les rôles sont calibrés, nuancés, creusés. – Less is more – la maxime est de mise puisque Vince Gilligan a préféré se concentrer sur quelques figures fortes plutôt que de polluer le scénario avec l’intrusion incessante de nouveaux personnages. Et ce choix est capital car chacun y trouve ainsi largement sa place. Jesse Pinkman (Aaron Paul), avec ses « Yo » et « Bitch » est parfois à deux doigts de voler la vedette au maître de la Meth, dans le scénario comme à l’écran. Son caractère est à l’image de tous les autres personnages : en apparence manichéen mais en fait tout en subtilité. Ne jamais se fier aux apparences… Skyler(Anna Gunn), la femme de Walt, assure quant à elle à merveille son rôle de contrepoids face à la folie destructive de son mari. Mention spéciale pour Hank (Dean Norris), le beau-frère inspecteur des Stups, Mike (Jonathan Banks) le tueur glacial et glaçant & Saul Goodman (Bob Odenkirk), avocat véreux au slogan désormais mythique « Better Call Saul! ». Tellement mythique d’ailleurs qu’il donnera son nom au spin off des aventures de l’avocat Saul Goodman, série signée…Vince Gilligan et diffusée sur AMC en novembre prochain. Jonathan Banks alias Mike le tueur y jouera un rôle de premier plan également.
– Dès le début ta fin tu peaufineras –
Une histoire bouclée de bout en bout, pas d’aléas scénaristiques, une fin programmée dès le début à cinq saisons dont la dernière étendue à 16 épisodes. Voilà également un ingrédient gage de réussite. A mon sens, les séries qui fonctionnent sont aussi et surtout celles qui font le bon choix de leur durée. Je me rappelle encore ma déception lorsque je m’apercevais peu à peu que Dexter s’étirait inexorablement en longueurs superflues et noyait ses personnages, son histoire au détriment du spectateur… J’aime quand les séries font le parti pris de s’avoir s’arrêter. Homeland, Luther…sont des séries qui choisissent de soigner leurs fins. Breaking Bad a été pensée dans ce sens. Et dès le début, la narration a été réfléchie au maximum pour que la série soit la plus cohérente possible. Impossible pour Vince Gilligan de perdre de vue son personnage principal. Il se devait de préserver jusqu’au bout le but ultime de Walter White, au risque de moins aimer son héros voire le détester. Pour cela, il s’est astreint à ne pas lire les réseaux sociaux et s’est imposé une véritable ligne de conduite d’écriture. Ecouter ses personnages, rien qu’eux. Une méthode qui au final sert le spectateur. Brillant.
« C’est un avantage considérable de savoir, seize épisodes en amont, quand la fin va survenir, souligne Gilligan. Il est souvent très difficile de boucler une oeuvre télévisuelle de façon satisfaisante. En général, on vous annonce qu’une série est annulée à la fin d’une saison, sans que vous ayez eu le temps d’écrire une vraie chute. » Vince Gilligan
La maîtrise du suspense est également un point fort de Breaking Bad. La narration et la construction des épisodes (héritée de l’expérience de Vince Gilligan aux côtés du créateur de X-Files Chris Carter) sont là aussi de l’ordre de la formule chimique. Chaque épisode est construit avec un pré-générique à forte concentration en suspense, distillant des clés de compréhension pour la suite de la série… Un véritable jeu en fait ! Jubilatoire donc.
– L’oeil subjectif ta caméra sera –
Tous ceux qui ont vu Breaking Bad se souviennent évidemment des points de vues très originaux de la caméra qui se loge dans les recoins les plus inattendus. Un rendu atypique qui renforce l’aspect libre de cette série, qui survole toutes les conventions pour créer son propre style. Et régner sur le monde des séries comme Heisenberg sur la Meth.
– La mièvrerie tu oublieras –
Et là, je tire une nouvelle fois mon chapeau à l’audace de l’écriture qui n’hésite pas à braver les volontés du public pour servir au mieux le scénario. Exit la mièvrerie, Breaking Bad est une série qui ose. Tuer, pervertir, jurer. Comment transformer le quotidien d’une famille ordinaire en un enfer sans fin ? Traiter l’horreur sous entend de maîtriser les sentiments créés chez son public. Breaking Bad attendrit, invite chacun à comprendre Walter et sa famille mais bouscule aussi. La série frappe là où on ne l’attend pas. Et nous comble de surprise.
Et vous, avez vous déjà succombé ? Qu’en avez vous pensé ?
Arte revient sur le phénomène Breaking Bad
Le site officiel de AMC
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